Jean-Marie Blanchet, Sébastien Vonier
Commissariat Lieu-Commun, Toulouse
25 septembre>18 octobre 2009
Jean marie Blanchet
Simili, 2009
Acrylique, simili cuir, bois
Sébastien Vonier
Névé, 2009
dimensions variables, Fer à béton, Béton
Le Baron.
Dans mon bureau j’ai trois fenêtres. La première, j’y suis collé en train d’écrire ce texte. Dans mon dos, la deuxième, un petit tableau de Yves Caro, « Drôle de gens que ces gens là », confié pour l’inauguration de ALaPlage en 1998. Je l’ai conservé depuis. Les drôles de gens sont peut-être cette bande d’artistes qui ont décidé un jour de monter un lieu d’exposition. La toile avec ses deux banderoles une jaune et une rouge est là pour me remémorer, assez facilement, qu’il faut savoir rester « drôle ». Ma troisième fenêtre, communément, donne sur la rue de la Concorde et j’ai eu ce soir, une fois de plus, l’opportunité de profiter de son cinéma quotidien.
Une belle Chrysler coupé décapotable du début des années 90, avec tout ce qu’elle peut avoir de fin de siècle, pénètre alors dans le champ. Son rétrofuturisme abscons et vulgaire donne à son arrivée une dimension Elissienne magique.
L’anachronisme exotique amorce un ample et hésitant créneau sur les 4 places qu’aménagent un double emplacement livraison, une entrée de garage et une place de parking. Le lent et timide tango conduit la Chrysler, couleur noyer et capote crème, dans son écrin nocturne.
Ce n’est pas Christine. Son chauffeur apparaît enfin. Pour l’instant, c’est juste un t-shirt bleu aux ourlets jaunes qui s’agite dans l’habitacle, farfouille, atermoie puis enfin sort. Le très jeune homme qui en émerge est aussitôt comme envoûté par le vaisseau dont il vient de s’extraire, depuis sa frange très « Brooklyn-management » son regard éberlué se fixe sur le bolide de longues secondes. Sa main droite se pose délicatement sur le capot pour sentir la chaleur du moteur, ses yeux ne quittent pas le regard pare-brise de l’américaine au repos. Cela dure encore et encore, le corps se rapproche de l’habitacle, la caresse court sur la capote. La séparation est encore repoussée, l’adieu des yeux prolongé. Contrarié, mon Théo-Alexandre consent enfin à abandonner sa monture. Depuis l’avant du capot, presque à reculons, il glisse jusqu’à l’entrée de l’immeuble voisin, et à contrecoeur va se coucher.
Des trois fenêtres de mon office domestique, celle qui donne sur le monde alimente celle qui me sert à écrire, la dernière fixe son regard sur ma nuque et me dit combien je suis drôle à toujours cinématiser les petits glissements qui parfois s’offrent à mes yeux.
Manuel Pomar.
ESPACE D’ART CONTEMPORAIN
Lieu-Commun : 23/25 Rue d’Armagnac 31500 Toulouse – France
00 33 + (0) 561 238 057
http://www.lieu-commun.fr/